A Lévigny, beaucoup d’autres Dematons, laboureurs, tisserands, manœuvriers, fendeurs. C’est la veuve de Paul Guéritte qui habite le presbytère, vendu en 1944. Elle avait déjà dépassé la trentaine quand je venais à Lévigny. Elle était belle et j’étais un peu amoureux d’elle. A présent, elle laisse voir sa denture en ruine. Sa sœur, de Fuligny, une Messiaen comme elle, nous dévorait des yeux, Tania et moi, et me fouillait de questions. Nous avons parlé de leur neveu, Olivier Messiaen, le fils de leur frère Pierre, le professeur, et de Cécile Sauvage. Elles ont conscience que cet étudiant si modeste est devenu un musicien célèbre, un génie très grand, et n’ont pas paru étonnées que j’aie conservé toutes les lettres que nous nous écrivions à cette époque où nous étions presque condisciples, mais sans son talent ni ses chances, quand j’allais souffler pour lui l’orgue de l’église de Bar-sur-Aube.
Quant à la petite maison que le père de mon père avait construite sur la place, que mon père avait rachetée à sa mort quarante-cinq-mille francs et où nous passions nos vacances, elle s’écaille doucement et, avec son jardin clos de murs surhaussés d’une grille, ressemble à une épave échouée dans un port.
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